J’ai évoqué la soif. Rude épreuve mais quelle cure d’amaigrissement !

Comment mes sous-officiers ont-ils fait ? Ils ont découvert une Land Rover. Ils y montent une mitrailleuse Alfa à l’avant. Nous l’utilisions pour patrouiller sur l’aérodrome et aller en ville.

Un matin, las de puer, nous allons nous baigner dans un petit ruisseau à l’aspect bien propre. Pas bien loin de là, d’une maison, des
Européens nous interpellent, ils nous proposent à boire et à manger.

Nous allons ainsi nous lier avec M. Peye (de Marche en Famenne), président de al Chambre de Commerce de Kindu. Il nous trouva un
appartement vide ; chaque soir, deux adjudants y vont prendre un bain et dormir dans un lit. Je persiste à vivre et à dormir au P.C. «
Air » avec José Schepers. Nous sommes allés manger quelques fois au mess de la 5ime Brigade dans un hôtel réquisitionné, au bord
du fleuve. Nous ne nous y sentons guère à l’aise et pour nous défouler après manger, nous allons nous asseoir au bord du Lualaba,
près d’un monument élevé à la mémoire d’un officier tué là à la fin du siècle dernier (19 siècle). Notre présence énerve un mitrailleur
rebelle installé sur l’autre rive. Comme il tir trop haut, ses projectiles fouettent le mur de l’hôtel et les collègues plongent chaque fois
au sol.

A la longue, la plaisanterie nous fatigue et, de toute manière, un de nous deux doit rester à la tour de contrôle pour recevoir un éventuel avion. (Mon ancienne formation de ‘fighter controller’ m’a familiarisé avec des procédures d’approche…quand il n’y a pas trop d’avions …)

                                                                Punia (21 novembre)

Le 20, je remis le commandement de l’aérodrome à un officier de la 5ième Brigade.

Le 21, départ pour Punia. Des unité Congolais se bousculent pour embarquer dans le DC-3. L’un d’eux s’accroche à l’empennage gauche
du dernier DC-3 se laisse traîner pendant le taxi et ne lâche qu’en début de course pour se répandre sur la piste.

A Punia, indigènes amicaux. Encore heureux. Une courte piste en latérite est bordée de forêt, un casse-tête pour les défendeurs.

« Sonnettes » et chef du village signalent des mouvements anormaux dans cette forêt. Interdiction de chasser mais on enverra des tirs d’intimidation au F.M.

Le villageois apporte des fruits, des légumes et de la viande de chasse. Cadeaux bienvenus (et bien payés), le ravitaillement ne suit pas.

Des ‘amis’ (de la C.I.A.) fournissent une radio. On l’installe devant le P.C., une minuscule construction de deux pièces. Elle jouera un rôle primordial lors de l’attaque sur Stanleyville.

A la veille de l’assaut sur Stanleyville, l’U Def se trouve dispersée : deux pelotons à Punia, un à Kindu en attente, un quelque part en
route.

Au gré de la disponibilité des avions, ils se retrouveront réunis à Stan quatre ou cinq jours après la reprise de la ville.

                                                     A suivre.....

                                                                    ABREVIATIONS

1 Sgt Maj.       1ier Sergent major

A.N.C.            Armée National Congolaise

AB                 Auto Blindé

Adjt               Adjudant

Avi                 Aviation

BaKa              Base de Kamina

Balubakat       Baluba Katangais

Bn                  Bataillon

Cdt                 Commandant (grade)

CO                  Commanding Officer

Comd              Commandant (fonctions)

Cpn                Capitaine

E’Ville             Elisabethville

EM                  Etat Major

Esc.                Escadrille

F Aé               Force Aérienne

FAC                Force Aérienne Congolaise

FAL                Fusil Automatique Légère

FATAC            Force Aérienne Tactique de l’Armée Congolaise

FM                 Fusil Mitrailleur

Gd                 Gendarmerie

GP                 pistolet Grand Puissance

Gr                  Groupe

IE                  Instruction

Kat                 Katangaise

LCL                Lieutenant colonel

ONU               organisation des Nations Unis

PNK                Police Nationale Katangaise

Pon                 Peloton

PV                  Point vital

SA/FN              Fusil Semi automatique/ Fabrique National

Stan                Stanleyville

UDA                Unité de Défense d’Aérodrome          

UDef               Unité de défense

ULB                 Université Libre Bruxelles

US                   United States

VS                   Etat Major Général de la Force Aérienne

W.Télé             Wing Télécommunications
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SOUVENIRS D’U DEF
LES OPERATIONS
Extraits du journal personnel du Commandant de l’Aviation August Servais
Mise en page par Eric Van Heuverswyn
                                                              DE KONGOLO A PUNIA

L’U Def ne peut certes se targuer d’opérations analogues à celles, terrestres, de la 5ième Brigade mécanisée. Par contre, elle peut en
toute modeste, se prévaloir d’avoir mené de nombreuses opérations de sauvetage d’Européens, d’évacuation de blessée, de
ravitaillement, en escortant les hélicoptères H-21, et surtout, d’avoir protégé les aérodromes desservis par les avions assurant la
logistique de cette 5ième Brigade.

                                                                          Kongolo

Le 31 octobre, les 1ier, 2ième et 3ième peloton s’installent sur l’aérodrome de Kongolo, en territoire ami.

J’en profite pour achever l’entraînement. Peu avant le départ, l’U Def a touché 18 FM. Il faut former les servants et parachever le drill
de protection rapprochée des avions et celui des héliportages.

Un récit officieux de la 5ième Brigade mécanisée signale la perte d’une jeep Minerva à Kongolo mais se tait sur les circonstances. Les
voici.

Un adjudant, chef du peloton MP de cette brigade, décida de nous rendre visite à l’aérodrome.

Un rien frimeur, au lieu d’emprunter la route, il coupa au court à travers la brousse pour déboucher sur le flanc de l’aérodrome.

Le terrain de savane basse présentait un sol bosselé par les bases de termitières démolies pour entretenir piste d’atterrissage et
route. La jeep se retrouva en équilibre sur une d’entre elles.

Le malheureux n’arriva jamais à décrocher son véhicule et on le reconduisait aimablement chez lui.

Les U Def récupérèrent la Minerva à bras d’hommes. A notre départ nous en fîmes cadeau au major de Huccorne, commandant la
garnison de Kongolo.
Passeport Katangais de Delaunoy
                                                                 La croisière avortée

J’ai oublié le nom de la rivière et le nom de l’opération envisagée. Elle aurait dû se dérouler au départ de Kongolo via Kindu, fin
octobre ou tout au début de novembre.

Lima 1 devait franchir une rivière importante, affluente du Lualaba ( ?). Une reconnaissance en hélicoptère avait révélé la disparition de son bac ; des malveillants l’avaient envoyé errer jusqu’au confluent.

La « troïka des capitaines » (*) examina le problème.

Idée générale : dropper un (ou deux) mécaniciens de Lima 1 avec matériel, carburant, vivres, eau, etc. sur le bac ou tout près. Quatre U Def assuraient leur protection pendant la réparation et le trajet de retour (***). Le courant nous obligerait à naviguer près de la rive donc soumis à des embuscades. Il est toujours dangereux de vouloir tirer les moustaches d’un U Def. Je décidai d’embarquer outre les vivres, eau et divers impedimenta, deux FM largement approvisionnés.

« Pinky » Carpels coups court à mes projets. Par manque se puissance, expliqua-t-il, le H-21 surtout en charge, ne peut décoller à la verticale, il doit rouler comme un avion. Quoi qu’il arrive, nous ne pouvions compter sur une récupération. S’il s’avérait impossible de remettre le moteur en état, il faudrait revenir à pied.

José Schepers avait reçu des ordres formels du CO : ne pas risquer une vie inutilement sauf dans des opérations purement
humanitaires.

Il opposa donc son veto. Je dus m’incliner.

Dommage. Nous aurions aimé une croisière comme au temps de Stanley.

Le transport se fera par la route, un camion escorté par une section U Def. Eau volant, Servais, convoyeur, Christian Hoornaert. Mon expérience katangaise me conseillait de rouler de nuit.

Route sans histoire mais vers 22 heures, arrêt pour refaire le plein d’essence. Quelques villageois bavardent sur le bord de la piste.
Problème : impossible de transvaser le carburant sans bec verseur au jerrycan. Un villageois propose un tuyau en caoutchouc contre deux paquets de cigarettes et la promesse de le lui restituer le lendemain. Nous avons alors appris pourquoi il y tenait tant. Aide infirmier du village, il s’en servait pour les lavements et les douches vaginales. Nous restons rêveurs un bon moment…

Vers 23 heures, le camion déboucha dans un village où des hommes palabraient autour d’un feu. Le comportement des U Def de
l’escorte me rassura, nous étions encore en territoire ami.

Un indigène vêtu à l’européenne et parlant assez bien le français s’approcha. Il nous proposa de nous guider par une nouvelle piste tracée par son village jusque Samba pour évacuer sa production vivrière. Elle nous ferait gagner deux à trois heures de route.

(*)          José Schepers (Opérations), « Pinky » Carpels (H-21) Servais (U Def).

(**)        Servais, Mottard, Bayeux et Hornaert. Choix difficile, tout le monde voulait en être. D’où le choix : Servais pour des raisons évidentes, les risques reviennent au chef ; Mottard pour son sang-froid et son expérience africaine ; Bayeux, ancien de Corée et fin tireur ; Hornaert, grand bricoleur comme Mottard et expert en armements.

Quelques secondes de réflexion. Gagner un peu de temps me tente, mon expérience katangaise me dit que les rebelles ne se battent pas la nuit. Si ce bonhomme nous attire dans un piège, il mourra le premier.

Christian a compris et en toute discrétion, glisse son GP en demi armé dans la poche supérieure gauche de son smock. J’en fait autant pendant que notre guide s’installe entre nous deux.

Aucune surprise. La nouvelle piste, toute droit, coupe au court et nous amène à Samba sur la fin de la nuit, devant le PC de LIMA 1, le lieutenant-colonel Liègeois. J’éprouve beaucoup de respect pour lui. Jeune sous-lieutenant en mai 1940, il a arrêté avec son seul peloton du 3ième Chasseurs Ardennais, la progression d’un régiment allemand à Ennal, près de Vielsalm. En 1960, il était, comme commandant, sous-chef d’état-major de la Gendarmerie katangaise ; le voici, commissionné officier supérieur de l’ANC, à la tête de la colonne qui doit reprendre Stan.

Je m’attendais à un accueil au moins courtois. Déçu ! « Nous ne sommes pas à Kamina, débrouillez-vous pour manger et dormir. »

Il consent à nous faire désigner une salle de classe vide et oublie de nous remercier pour ses barges.

Nos soldats ont trouvé à manger, nous partageons nos rations de combat avec notre guide et nous nous allongeons à même les dalles pour deux heures de repos.

Au petit matin, sans autre forme d’adieux, nous prenons la route de Kongolo.

A son village, arrêt pour déposer notre guide qui s’avère un sorte de petit chef. Campo à la section d’escorte pour une heure. Il existe un grand lavoir municipal couvert. Christian et moi y prenons un bain froid suivi d’un repas de rations (froides elles aussi).

La fatigue un peu effacée par le bain froid, nous  nous remettons en route mais lentement. Délesté de sa charge le camion fait danser ses passagers comme des petits pois sur un tambour. Pour ne rien arranger, il se met à pleuvoir et les essuie-glaces ne fonctionnent pas. Coups de poings sur le toit de al cabine. Nos hommes ont vu un petit troupeau d’antilopes…

Allons, en chasse.

Approche prudente. Hélas, j’arrive à bonne portée et mon FAL déréglé par les secousses du camion, lâche une longue rafale. Adieu les antilopes, bonjour l’hélicoptère : inquiet de notre retard, José Schepers vient survoler notre trajet.

Le soir, nous dînons lui et moi au mess du major de Huccorne (encore un ancien de al Gendarmerie katangaise). Il me fait cadeau d’un FAL tout neuf.

J’avoue lui avoir carotté deux chargeurs supplémentaires. On ne sait jamais…

                                                                                        *******

Kongolo nous laisse quelques loisirs. Sous prétexte de vols d’entraînement avec les « bananes », nous chassons. Pas très sportif ?
D’accord mais nos hommes ont faim et depuis notre départ, les Européens se contentent de rations.

Une belle chasse nous vaut un gros phacochère. Les soldats nous en préparent les côtelettes et Gilbert me pardonne d’avoir posé le canon de mon FAL sur sa robuste épaule pour mieux viser…

Pour le 15 novembre, fête de la Dynastie, BaKa nous a fait parvenir un repas spécial assorti de vins portugais et de champagne sud-africain (excellent !). C’est bien la première et la seule fois de ma vie, comme mes amis, je porte le traditionnel toast au Roi avec le gobelet de ma gourde.

                                                                                        *******

La période de regroupement touche à sa fin. Nous nous préparons au bond suivant, Punia et Stan.

Pour vérifier les plans de chargement, je pèse quelques Katangais. Ils ont grossi mais nous, nous avons maigri.

                                                                 Kindu (6 novembre)

L’U Def a déjà dû se débarrasser d’un peloton : Tourré et ses hommes ont escorté un train de Kongolo à Kamina. Ils rejoindront par
avion à Kindu.

Souvenir dominant de cette étape : la soif. Des nuisibles ont saboté la conduite d’eau entre la ville et l’aérodrome. Schepers et
Servais ont vécu 48 heures avec une seule gourde d’eau. Les soldats ont même vidangé les radiateurs des véhicules anti-incendie pour boire. Quant à l’hygiène…On n’entendait pas arriver un U Def, on le sentait.

Dès son atterrissage, le 1er Pon (Bayeux) mène une reconnaissance vers le bout de piste côté ville et se replie sous le feu nourri des Sud-Africains.

Les « sonnettes » signalent des mouvements suspects à l’extrémité opposée. Patrouille de combat mené par Servais. Bref
engagement à l’aveugle. Seules, des taches de sang témoignent de la présence et de la disparition des rebelles. La forêt déconcerte les Katangais habitués à leurs savanes. J’interdis toute poursuite. Ratissage des flancs. Rien à signaler.

La leçon a porté ses fruits, le calme règne…sauf pour les cadres belges. Ils vont mener une trentaine de missions d’escorte des
hélicoptères pour ramener des Européens isolés en brousse.

Par miracle, ils n’essuyèrent aucune perte et pourtant les « bananes » revinrent souvent marquées d’impacts. Un projectile brûla même le poignet d’un journaliste toléré pour une de ces missions à condition qu’outre son appareil photo, il emmène une mitraillette.
Un incident à signaler : au débarquement d’une des « bananes », un vieux monsieur sauta a cou de l’adjudant Mottard pour le
remercier. Des journalistes photographièrent la scène. En dépit des explications, la photo parut avec cette légende : « Un père
retrouve le fils qui l’a sauvé ».
Variations d’armements: Luigi Franchi 9mm et AFN.30. Uniforme bariolé Portugais avec casquette type ‘Bergard’
© Eric Van Heuverswyn