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Extraits du journal personnel du Commandant de l’Aviation August Servais
Mise en page par Eric Van Heuverswyn
ON REMET CA !
Que raconter d'une brève permission?

Un souvenir, l'étonnement de ma femme, de mes parents, de mes proches devant ma minceur. J'ai perdu 15 kilos, je suis bronzé en diable...et je porte la barbe. Les jours passent vite. J'ai eu le temps de rendre une brève visite à Gilbert pour lui donner des nouvelles de notre U Def. Hélas, il ne reviendra jamais.

Embarquement à Melsbroek Militaire le 14 janvier à 16.30 heures. il se passe alors un incident lourd de conséquences.

Après avoir quitté nos familles, mes U Def, d'instinct, m'ont rejoint. Nous défilons entre deux rangs de parents. En voyant passer Marc Carlier, une jeune filles pleure à gros sanglots. Il fait semblant de ne pas la remarquer. Je lui donne un coup de coude.

          - Allons, va au moins l'embrasser!

Discipliné, le garçon, il obéit.

Du coup, Mariane considéra qu'ils avaient renoué et se débrouilla si ben qu'elle trouva un travail dans une école chrétienne de Kamina Ville pour venir le retrouver un peu plus  tard.

Quand j'allais passer la soirée chez eux, je les taquinais "Je serrai la parrain du premier". Ils se marièrent après notre retour en Belgique en 1965 et l'année suivante, ce ne fut pas une "premier" mais une "première", ma filleule Pascale dont je suis très fier. J'étais fort heureusement revenu de ma dernière mission au Congo pour assister au baptême. La cohabitation Marc-Mariane à Kamina Ville eut une autre conséquence mais attendons encore quelques pages.

GARDEZ-MOI DE MES AMIS...

Un beau matin, se pointe à l'aérodrome de Stan un capitaine de mercenaires, un grand gaillard maigre portant lunettes. Tavernier...Les aînés l'identifient; il a servi à l'Ecole Technique de la F Aé comme sous-lieutenant de réserve. Il me doit faire appel à l'U Def pour entraîner son petit commando à la progression en brousse avant son départ "pour le nord".

Ce commando possède un engin étonnant, un camion blindé aménagé pour tirer au mortier de 60 mm. Mes anciens enseignent pendant plusieurs jours nos trucs et ficelles sans oublier quelques astuces que j'ai héritée de la Gendarmerie Katangaise.

C'est alors que le C.O. m'apprend que notre auto blindée était en réalité destinée au Commando Tavernier. Je dois le restituer. J'obéis le coeur serré mais j'interdis à Werdefroy de dispenser le moindre enseignement sur son emploi. Tavernier a profité de notre fraternité d'armes de la F Aé pour nous extorquer "notre" blindée, cela suffit. Cocus, soit mais pas tenir la chandelle. Le Commando Tavernier s'en va vers son destin. Je n'ai plus jamais entendu parler d'eux sauf par une rumeur. Que les gens sont méchants On a dit mais que n'a-t-on dit, que Tavernier et ses hommes seraient passés par les mines d'or de Kilo Moto avant de s'évanouir dans la nature...

L'EXPANSION

J'ai déjà expliqué l'inévitable expansion de l'U Def. En janvier 1965, elle va prendre une ampleur que je n'avais pas prévue.

Première visite à Kasongo-Nyembo. Il me dit avoir déjà donné un maximum et me conseille d'aller voir son vassal Mutombo Mukulu, près de Kanyama. Roger Scarsé m'accompagnerez: Joseph mon colossal garde du corps, chauffeur de jeep et parent du chef me servira de guide et d'interprète.

Je comptais loger à Kanuama, ancienne garnison de la 5è Compagnie de mon ex-bataillon de al Gendarmerie Katangaise. Nous n'y trouvons plus qu'un seul Européen; il achève de boucler ses valises mais nous laisse sa maison...vide.

Joseph suggère d'aller demander asile à Mme Vermeersch qui dirige un  élevage pas bien loin de là. La dame et sa fille Nicole nous accueillent fort bien. Dans la soirée, Mme Vermeersch me montre une affreuse cicatrice de ciment au milieu de son salon et m'en explique l'origine.

Jeune mariée, elle a vécu dans une case pendant la construction de leur maison. Le bâtiment terminé, il n'y manquait plus que la sortie de la cheminée. Avant de partir voir ses troupeaux (en moto) elle a montré à son maçon noir, à cet endroit, comment achever le travail.
A son retour, elle a trouvé la cheminée soigneusement maçonnées au milieu du salon, là même où elle avait fait sa démonstration...

Le lendemain, visite à Mutombo Mukulu. Un géant!

1 + 1 = 4

Non seulement un géant, le chef mais coriace dans la palabre. il me propose non pas cent cinquante mais trois fois plus. Après une soirée de discussions, je me rends compte de de l'inutilité de poursuivre. J'accepte. En regagnent notre case, je confie mon impression à Roger Scarsé: le vieux se débarrasse d'inutiles, de fainéants et de vauriens de toute sa chefferie. Il faudra les tenir de tous près.

Roger, promu C.S.M., sera chargé de l'instruction à Baka. Le problème devient plus aigu du côté de l'armement et de l'équipement, conclus-je. Il va falloir chercher. En attendent, la 2è escadrille recevra une formation accélérés pour remplacer au plus vite la 1ère, on achèvera l'instruction U Def sur le tas.

                                                                          L'EXPANSION DE L'U. DEF - UNE EXPLICATION

Dès mon retour de permission, le 16 janvier 1965, je décide la création d'une 2ème escadrille. La raison officielle tient dans la nécessité bien réelle de relever au plus tôt la 14ère en opérations depuis bientôt trois mois et qui souffre de ses pertes et surtout de la fatigue.

Il en existait une autre mais je devait alors la garder par devers moi.

Lors d'une rencontre officieuse, le patron de la FAC, le Lieutenant-colonel aviateur "Toto" Bouzin, m'avait entrepris sur la nécessité de cette expansion afin de doter les principaux aérodromes congolais d'une ou plusieurs escadrilles de défense. La FAC me fournirait armes, équipements et matériels divers mais à petites doses pour ne pas éveiller les soupçons.

Son adjoint, le Commandant d'avi Freddy Lacroix vint me rendre visite à Stan. Il apportait, en guise de gage de bonne volonté, quelques walkies-talkies PRC 10 et insista sur la nécessité de la plus grande discrétion. Il m'annonça aussi la prochaine visite de Mobutu, alors chef d'état-major de l'ANC. Celui-ci arriva à Stan peu après. Un peloton U Def rendit les honneurs. J.D.M. lès inspecta longuement puis, en me serrant la main, me glissa "Ils sont très bien vos hommes..."

Encourageant?

A vrai dire, le projet m'intéressait. En mettant les choses au pire, il permettrait à ceux d'entre nous qui le voudraient de rester en Afrique non plus à titre précaire pour des termes de trois mois, soumis à l'arbitraire de VS1 (en Belgique, j'avais entendu des rumeurs:
tout gros danger écarté, les candidats à nos places se bousculaient. Par contre, un engagement à la FAC les faisait passer au régime de l'assistance technique plus stable.

Bien entendu, il faillait agir sans énerver Jan Vandepoel ni surtout VS 1.

Le projet ne pouvait cependant se réaliser dans une clandestinité totale. L'éprouvais pour notre patron beaucoup d'affection et de respect, il me répugnait d'agir à mon insu. D'autre part, même s'il me laissait toute initiative, il ne manquerait pas de d'étonner de l'apparition de nouvelles escadrilles.

Je lui exposai donc la nécessité de renforcer l'U Def, de transformer l'aérodrome de Stan en camp retranché pour servir de plaque tournante à nos opérations futures dans le nord-est et, en cas de malheur, de base de repli. Pour atteindre cet objectif, il fallait quatre escadrilles, trois en opérations et, par une système de relève, une en repos et reprise en mains à Baka.

Le C.O. ne cherche pas à savoir comment j'allais équiper, armer et payer ce bataillon. Etait-il au courant de quelque chose? Ou se souciait-il plus encore que moi de la position de Stanleyville? toujours est-il qu'il approuve mes projets.

Au travail donc pour aboutir en juin à ce résultat:

          - quatre escadrilles opérationnelles,

          - une section de mortiers de 60 mm répartie entre Stan et Paulis,

          - l'embryon d'une section de reconnaissance à Stan,

          - une section de Police Militaire à Baka attaché au groupe de commandement (qui comprenait aussi des "services"
            comme un tailleur, etc.).

Le Colonel Bouzin tient ses promesses. Il nous fournit des uniformes (entre autres des tenues de sortie bleues avec souliers bas assortis) des matériels divers mais malheureusement pas assez d'armes.

On tourne la difficulté; chaque unité relevée laisse ses armes aux nouveau arrivés.

A Baka, pour l'instruction et la reprise en mains, les instructeurs disposent d'un stock de vieilles armes, Mausers 7,65 mm, fusils en mitrailleuses Italiennes de la 2è Guerre Mondiale, Lee Enfield .303, mitraillettes Sten (pour les M.P.), et autres rossignols glanés un peu partout, spécialement à l'arsenal de Stan.

VS 1 persiste à compter l'adjudant Pigeon à l'effective de l'U Def. Je ne dispose donc que de huit sous-officiers. Je tourne la difficulté en désignant non plus des commandants d'escadrille ou chefs de peloton mais des "chefs de la défense"; les responsabilités des gradés africains augmentent. Puis arrive le neuvième sous la forme (appréciable) de Henri "Riton" Bertrand, un mercenaire au passé intéressant.

Autre problème. A Stan, les soldats de la 1ère Escadrille ont retrouvé parmi les réfugiés des compatriotes, des femmes bien entendu. L'effectif des combattants n'a pas changé mais celui des bouches à nourrir a presque doublé. Comment Christian Hoornaert s'y prend-il?
Il arrive à ravitailler tout ce petit monde. comme personne ne se soucie de rapatrier femmes et enfants à Kamina, relevants et relevés procèdent aux mêmes échanges que ceux des armes.

Et tant pis pour le moral!
L’INSIGNE U DEF FATAC
L’origine de notre insigne U Def FATAC remonte à mon ancienne compagnie, la 1ère, du Bataillon de Gendarmerie katangaise de Kamina Ville. Mes soldats avaient été à plusieurs reprises engagés dans des combats à l’arme blanche. Ils en étaient très fiers et, d’initiative, portaient, peint ou grossièrement brodé, en haut de l’épaule gauche,  le dessin d’un poignard luba.

Quand il fut question avec le Colonel Bouzin d’un insigne propre à l’U Def FATAC, en hommage à mes anciens soldats que nombre d’U Def avaient connus, je proposai ce même poignard surmonté d’une croisette katangaise et orné d’ailes.

Le Colonel Bouzin l’inscrivit dans un triangle, remplaça la croisette par une étoile congolaise, conserva les couleurs vert blanc rouge du
Katanga (province d’origine des soldats). Ancien de la Légion Etrangère, il traduisit sa devise « Honneur et Patrie » en latin « Pro Patria
et Honore », en bandeau sur l’insigne de béret.

Les dix premiers insignes d’épaule furent réalisés à Bruxelles à l’initiative de Ch. Werdefroy.

Sur ceux-ci, l’étoile se trouve sous le manche du poignard et ils sont dépourvus de devise.

Les couleurs katangaises ne sont pas là par provocation mais parce que les futures U Def porteront celles de leurs provinces d’origine ou
d’activités.

VOYAGE, VOYAGES...

La FATAC est installé à Paulis depuis début janvier. Le 'King' et un peloton de la 1ère occupent l'aérodrome. Je vais les voir début février
après une étape obligatoire à Stanleyville.

A Paulis, le 'King' et moi logeons chez un Belge plus ou moins conseiller de la nouvelle administration. Ils nous raconte qu'à son arrivée,
les indigènes l'ont accueilli en libérateur: le retour des Belges signifiait pour eux celui de la justice et de l'équité bafouées par les représentants de Léopoldville.

Certains incidents furent moins dramatiques. Au centre de Paulis, un rond-point canalisait la circulation des véhicules mais un policier dressait procès-verbal aux piétons qui négligeaient le sans giratoire. En réalité, il les rançonnait.

Les rebelles marquèrent leur passage par leurs habituels massacres. Prêtres et séminaristes en furent les principales victimes. Puis mon
hôte ajouts "On parle de rumeurs mais il paraîtrait qu'en s'enfuyant, les rebelles ont emmené des Soeurs missionnaires. elles auraient été vendues dans les harems soudanais". Bien entendu chacun garde sur ce sujet la plus grande discrétion.

Nous sommes ici chez les Mangbetu. Le boy de notre hôte, un vieux Noir, a encore l'arrière du crâne déformé en pain de sucre. J'ai eu l'occasion de voir, une vieille négresse à plateau, les lèvres affreusement renflées par des anneaux de bois. Mon mentor m'explique: cette coutume barbare date des temps de l'esclavagisme. Pour décourager les Arabes d'enlever les enfants, les mères allongeaient le crâne des garçons vers l'arrière et gonflaient les lèvres des filles.

Autre spectacle franchement affreux: un homme d'âge mûr atteint d'éléphantiasis. Il devait supporter ses testicules gonflées comme des
ballons de football au moyen d'une pièce de tissu passée autour du cou.

Le 'King' a bien organisé la défense de l'aérodrome. Le calme règne à Paulis et il n'aura à se servir qu'un seuls fois de son mortier, pour
tirer des bombes éclairantes. elles servirent à indiquer l'aérodrome à un DC 3 qui le cherchait depuis un moment.
© Eric Van Heuverswyn