ON SE FAIT DES AMIS

Une première visite à Kamina Ville me permet de revoir, avec quelle nostalgie, notre maison de l’avenue Elisabeth. Des Noirs y habitent maintenant, la mama cuisine sur son réchaud à makales…au milieu du living.

Mon ami, l’agronome du Territoire, « Bwana Lupango », s’apprête à rentrer dans son Limbourg natal, touché par la limite d’âge.

Lequel des u Def a déniché Albert Sauveur ? Gilbert ? Il me parle de lui. Délégué de l’Elakat (Elevages du Katanga), il ravitaille notre mess en viande et légumes. Il nous invite à prendre un verre chez lui.

Le nom me semble familier, sans plus.

En revoyant Albert à peine vieilli, un peu enveloppé, les souvenirs affluent.

Après l’indépendance, le caporal MP, Sauveur, au lieu de rejoindre la Belgique s’est engagé dans la Police Katangaise. Son principal exploit fut de reconstituer la fanfare de cette police. Une fois par semaine, il défilait dans les avenues pour y donner l’aubade.

Il ne parle guère de sa période 1962-1963 mais je vais le constater, il prospère. Il a repris l’Hôtel Welcome pour y placer une gérante, une Polonaise hors d’âge. Il possède une boucherie pour Européens près de l’Hôtel de la Gare avec aussi une gérante. De plus, ses artisans fabriquent des souvenirs d’assez bon aloi.

En 1965, il ouvrira un restaurant boite de nuit, le « Schtroumf » où nous serons toujours les bienvenus surtout pour y bien manger.

                                                                     GRIS DE PEUR !

Kamina Ville n’est pas encore très sûr, m’avertit Sauveur, Kasongo Nyembo va revenir de son exil, la nouvelle administration se met en place mais en attendant que les nouveaux aient fait le ménage, les derniers policiers rançonnent les Européens à qui mieux mieux.

Quelques jours plus tard, je vais faire mes adieux à Bwana Lunango et j’emprunte la VW de Sauveur, sous mon blouson, je porte mon
GP en holster.

Juste avant le rond point face à la gare, un policier me fait signe de m’arrêter. Il porte une STEN à demi roulée en bandoulière.

          - Permis de conduire !

          - Pourquoi ?

          - Pas de phare !

          - Il est quatre heures de l’après-midi !

          - C’est bon. Donne-moi 500 francs !

Il m’énerve ce macaque. Faisant mine de chercher mon portefeuille (le macaque se détend), je sors le GP et lui braque sous le nez.

Le temps de le voir virer au gris…et il a disparu.

Je ne l’ai jamais revu.

                                                         LE RETOUR DE KASONGO NYEMBO

Pour avoir depuis 1960, prouvé son attachement à Tsjombé, le vieux chef N’Daie Emmanuel Kasongo Nyembo, mulopwe des Baluba du
Haut Lomami, avait été envoyé en résidence surveillée loin de sa chefferie, par le gouvernement Adoula.

Il en revient fin septembre 1964 (ou début octobre ?) et, tout naturellement, en attendant son escorte, vient se mettre sous la protection de l’ U Def.

Nous nous connaissons depuis juillet 1960 ; ma femme rendait régulièrement dans son village où, sous l’égide de la terrible épouse du Chef, elle enseignait le tricot et la couture aux femmes.

Il me paraît drôlement vieilli et surtout amaigri. Il me raconte son exil et je le comprends. Il n’a pu emmener dans son exil ni sa sœur ni la peau de léopard de son siège. La tradition et la prudence interdisent à un chef muluba de manger d’autre nourriture que celle préparée par sa sœur ni de se nourrir autrement que assis sur sa peau de léopard.

Aussi, pendant près de deux ans, il a consommé uniquement des fruits…et debout. Ses geôliers auraient voulu le faire périr à petit feu
qu’ils n’auraient pas agi autrement.
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Extraits du journal personnel du Commandant de l’Aviation August Servais
Mise en page par Eric Van Heuverswyn
LA NAISSANCE DE L’U DEF.
Bayeux et Servais au départ avec un avion de BIAS
Cette organisation change à plusieurs reprises. Ainsi, Jean Bailleux et Ch. Werdefroy permutèrent comme chefs des 1ier et 2ième peloton.

La création d’un 4ième peloton amena à sa tête l’adjudant Carlier et Leemans. Il avait été constitué avec les éléments refusés par les autres. Les deux « jeunes » déployèrent une telle ardeur à dresser leurs hommes que le 4ième peloton, tout en conservant son titre de réserve, devint une sous unité aussi valable que les autres.

En récompense de ces résultats, ils furent autorisés à effectuer une promenade pédestre jusque Sungu.

Marc Carlier la raconte plus loin « avec assez de verve pour ne pas permettre que je vous les serve ».

D’abord, l’installer.

Nous finissons par dénicher une villa à mi-chemin du mess et du futur camp des recrues. Je me demande si ce n’était pas celle où habite mon vieil ami Franckie Dewymmer jusqu’ août 1960.

Pour la meubler et l’aménager, il faut chaparder un peu de tout. L’officier de l’ANC, en charge du casernement redoute de vider ses
magasins ; il ne tient pas à se faire affecter à une garnison dangereuse…

Notre S4 FATAC ne se presse pas pour nous fournir du matériel de nettoyage. A bout de patience, je vais en acheter à Kamina ville. « Apporte-moi les factures, on te remboursera… » m’a-t-il dit. Cela fait plus que 30 ans que j’attends dire qu’il se rendait chaque matin à Kamina ville…

                                                                                      *********

Avec les a^nés de mes sous-officiers, je discute de l’organisation et de l’entraînement de la future escadrille.

Premier principe : nos soldats ne deviendront pas les hommes à tout faire de l’aérodrome où ils stationneront. Deuxième question, notre mission.

Certes, avant notre départ, VS1 a donné un briefing à tous les nouveaux. On y a parlé rémunérations, voyages et assurances mais pas
un mot sur le reste.

Lors de mon arrivée, un bref entretien avec l’officier opérations de la 5ième Brigade mécanisée, le Cpn BEM Closset (aujourd’hui Col e.r.)
m’a donné l’impression que ma « Compagnie UDA » (sic) dépendrait de son EM…En serait-il de même pour le FATAC ?

Un bref entretien (encore) avec le nouveau CO de la FATAC me détrompe. Nous sommes indépendants, l’U Def est aux ordres de la FATAC et une seule conclusion s’impose, dictée par Jan Vandepoel : « Airfield means Air Force ». Le patron me fait aussi comprendre qu’il me fait confiance.

J’expose quelques idées à Gilbert. Il se réjouit non seulement de cette clarification mais surtout de mon opinion : puisque nous voici pratiquement indépendants, profitons-en pour bâtir une U Def comme nous en rêvions en Belgique.

Commençons par l’organisation. Puisqu’il semble bien aussi que nous nous déplacerons par avion et par hélicoptère, adaptons l’organisation de l’escadrille aux capacités de transport des DC-3 et des « bananes » H-21.

                                                               LA CHOIX DES ARMES

Visite à l’armurier pour enlever nos armes personnelles. Un GP chacun mais hélas, aucun FAL. Je choisis une de mes armes préférées, une Thompson .45. A ma grande surprise, les autres préfèrent des Brescia 9 mm, les Sud Africains les ont baptisées « Dincky Toys » à
juste titre semble-t-il. Seul Pierre Tourré emporte une Beretta 9 mm  avec longue crosse en bois.

Je retiens pour l’avenir une remarque de l’armurier : ces armes na pas comptabilisées en Belgique. J’en profiterai plus tard pour rafler le stock de mitraillettes au bénéfice de notre U Def.

En octobre, Albert Sauveur - je dois parler de lui - me fera cadeau d’un FAL ancien modèle que depuis 1962, il cachait dans un entrepôt
frigorifique.

Le stock d’armes comporte aussi une belle quantité de FM. A leur vue, je me demande pourquoi une centaine d’Européens de la FATAC
précédente ont piqué une telle panique devant les rumeurs de progression des rebelles.

A moins qu’ils eussent reçu l’ordre de refuser l’engagement direct ?

Allons essayer nos armes au stand de tir.

Stupeur. La butte de sable a presque disparu. Ces fainéants de l’ONUC ne ce sont pas fatigué à l’entretenir. Elle suffit à des tireurs
entra^nés, pas à des recrues. Une de leurs premières corvées sera de la remettre en état.

Faute de cibles, je fais placer des touques emplies de terre. A l’issue de l’entraînement, il faudra les remplacer.

                                                        LES LECONS DE L’EXPERIENCE

Ma responsabilité envers des sous-officiers m’inspire un jour une conférence impromptue. Je leur prodigue des conseils inspirés de
mon expérience.

          - Vérifiez la portée de vos mitraillettes. Ne tirez pas si vous n’êtes pas certain de toucher votre cible. Si vous voulez
            absolument éliminer un meneur, s’il se trouve trop loin, empruntez le fusil d’un soldat. Pour cela, vous désignerez un
            soldat qui sera garde du corps et vous connaîtrez son fusil.

          - A moins de vous trouver dans une situation de combat très rapproché, ne tirez jamais en rafales. Tirez en coup par coup
            en choisissant toujours votre cible. Ne gaspillez pas vos munitions en tirant « dans le tas ».

          - Contrairement au règlement de l’Armée Belge, portez votre pistolet GP à la droite de votre ceinturon. Faites-en
             l’expérience. Le tir instinctif fonctionne mieux de bas en haut qu’en oblique.

          - Entrant en « zone orange » ou en « zone rouge », passez votre GP dans la poche supérieure gauche de votre veste. Vous ne
            perdrez pas de temps à les hercher à votre droite (cette astuce m’a sauvé la vie à Luena en 1960).

          - En suite, une autre astuce. Armez le GP. Enlevez le chargeur et ajoutez une cartouche. Oubliez les différentes sûretés mais
            faites passer le chien en demi armé. Le règlement Belge interdit formellement ce procédé. Mais oublions-le. Il peut vous faire
            gagner les quelques fractions de seconde qui feront de vous un vivant ou un mort.

Enfin, et ceci est un ordre : tirez à tuer et toujours deux fois sur le même cible humaine. S’il le faut, continuez le tir. Si vous avez faire
à un drogué, vous devrez détruire un organe essentiel pour stopper son élan.

(Je leur cite un exemple : a Kabondo-Dianda, un de ces drogué a foncé sur moi, lance levée. Il a persisté en dépit d’un demi chargeur
de Thompson dans la poitrine. J’ai dû m’en débarrasser en lui faisant sauter le haut du crâne pour lui faire comprendre qu’il était
mort.)

Pour terminer et surtout, je ne veux pas de héros morts. Si vous tombez sur une situation pourrie, n’insistez pas. Repliez-vous ou, si
impossible, faites le hérisson. Attaquez en force, repliez-vous dans le cas contraire. J’insiste « Pas de héros mort ».

Peut-être ai-je trop cité d’exemples de mon passé Katangais ? De cette compagnie, le 1ière, baptisée « compagnie-suicide » par les
Noirs et dont il a fallu par deux fois remplacer les pertes. Toujours est-il que des bonnes âmes conseillèrent à mes adjudants de se
méfier de moi.

En dehors de Jean Pigeon - il avait d’autres motivations -, aucun de mes U Def ne chercha à se défiler.

Merci, les garçons.
Pasport Katangais de marc Carlier
© Eric Van Heuverswyn
A suivre.....
La FATAC a connu ses grandes heures sous le commandement du LCL Avi (Col en mars 1965) « Jan » Vandepoel mais un autre LCL Avi
préside à sa naissance (LCL Decock).

Aux origines, en juin 1964, son petit détachement s’installa à la Base de Kamina abandonnée en triste état par l’ONUC. Le personnel au sol comprenait beaucoup d’anciens d’avant 1960, dont l’expérience et la connaissance des lieux s’avérèrent précieuses pour remettre les installations en ordre.

Les officiers de cette époque héroïque, du moins ceux que j’ai connus ensuite, se montrèrent discrets sur la cause de la relève définitive de l’un ou l’autre d’entre eux.

Il semble qu’ils avaient, craqué au moment de la progression des mulelistes. Certains les voyaient déjà à la centrale hydroélectrique
de la Kilubi mais personne n’osait y aller voir. On ne pouvait compter sur la garnison de l’A.N.C., chacun connaissait ses aptitudes à la
retraites-éclair. A l’EM de la F Aé à Bruxelles, on envisageait le repli de la FATAC sur Elisabethville…

Faut-il voir dans ces inquiétudes une des causes de la création d’une U Def ? Ou les projets que l’EM de la 5ième Brigade mécanisée
nourrissaient pour elle ?

J’avoue n’en rien savoir mais toujours est-il que le 21 septembre, après un voyage mouvementé (une grosse panne à Tripoli et une
nuit imprévue à Léopoldville) un officier et neuf sous-officiers U Def débarquaient à BaKa (voir copie du télégramme page 6).

Certains retrouvaient leur ancienne base, d’autres contemplaient l’Afrique pour la première fois.
                                                           LA PREMIERE ORGANISATION

Selon les souvenirs de Marc Carlier, la première U Def s’articulait ainsi :

Commandant:           Cpn d’Avi A. Servais

Adjoint:                    Adjt G. Mottart

Logistique:                Adjt R. Scarsé

1er peloton:               Adjt Ch. Werdefroy, Adjt Cl. Leemans, Un adjudant Katangais

2ième peloton:            Adjt J. Bailleux, Adjt Ch. Hornaert, Un adjudant Katangais (Simon)

3ième peloton:            Adjt P. Fourré, Adjt M. Carlier, Un adjudant Katangais (Maloba Jean-Nestor)

Un secrétariat:           1Sgt Maj Mwenze Maurice